Commerçant

Sept questions à se poser avant d'ouvrir un commerce
Désir d'indépendance, passion pour un produit, aspiration à devenir patron après avoir été salarié chez un commerçant? C?est décidé, vous voulez ouvrir votre boutique. Pour être sûr d'avoir le bon profil, suivez le guide ! Extrait de Ouvrir son commerce, édité par l'Entreprise.
1. Comment savoir si je ferai un bon commerçant ?
Le commerce requiert des qualités bien spécifiques et beaucoup de motivation pour supporter les sacrifices propres à ce métier.
Bonne humeur permanente
"On se s'improvise pas commerçant, prévient Stéphanie Villessot, responsable du pôle commerce tourisme et services aux particuliers et du pôle création transmission d'entreprise à la CCI d'Alès-Cévennes. C?est un métier où il faut aimer le contact avec les clients et toujours être de bonne humeur. Cela nécessite un certain état d'esprit et aussi d'être prêt à prendre beaucoup sur sa vie privée."
Capacité de réaction
"À la SIAGI (la Société interprofessionnelle artisanale de garantie d'investissements), nous portons une grande attention aux aspects humains de chaque dossier, notamment à la capacité du futur commerçant à surmonter une crise, explique Michel Cottet, directeur général de la SIAGI. C?est pourquoi nous essayons d'analyser la capacité de réaction des porteurs de projet."
Le profil plus que l'argent
"On devient commerçant pour gagner de l'argent de façon agréable, rappelle François Foussier, président de l'association de commerçants ?les Vitrines d'Orléans? et vice-président de la chambre de commerce et d'industrie du Loiret en charge du commerce. Mais on n'a pas forcément la fibre commerçante lorsqu?on hérite d'un commerce ou lorsqu?on est cadre et qu'on se fait licencier. Le commerçant ne doit pas avoir l'esprit fonctionnaire. D?ailleurs, le profil pèse beaucoup plus que l'argent dans les chances de réussite."
Une vraie passion "Il faut avoir l'amour de son métier, et même une vraie passion, affirme Joël Lopez, expert-comptable. Il ne faut surtout pas que l'ouverture d'un commerce soit un non-choix. Le commerçant doit être prêt à la fois à affronter la concurrence et à développer son relationnel avec ses clients. Tout le monde n'a pas la fibre entrepreneuriale."
Service et chiffres
"Un bon commerçant aime servir et rendre service ; il doit être convivial et aussi aimer les chiffres", résume Pierre Creuzet, président fondateur de l'Institut de développement économique des coeurs de villes (IDEE C?urs de villes).
2. Ouvrir un commerce, est-ce vraiment changer de vie ?
Ouvrir un commerce représente un changement radical pour qui n'était pas de la partie.
Un changement à 180 °
"Devenir commerçant représente un virage à 180 °, affirme Madjid Yahiaoui, conseiller en création et suivi d'entreprises, CCIP 94. Pour les anciens salariés, c'est un changement psychologique énorme : en devenant entrepreneur, on prend des décisions tous les jours ! Pour celui qui encadrait une équipe, l'équipe va désormais se résumer à une seule personne : lui."
Motivation indispensable
"Un commerce, c'est une qualité d'accueil, une grande disponibilité, travailler le samedi et même le dimanche dans l'alimentaire, entre midi et 14 heures, rappelle Stéphanie Villessot. C?est être disponible le soir, aux moments où les clients ont le temps de faire leurs courses, ce qui empiète forcément sur la vie de famille. Face à tous ces sacrifices, il faut être très motivé pour se mettre à son compte."
Deuxième salaire
"Le changement de vie est total, et pour chaque dossier nous cherchons à vérifier s'il sera supportable pour le porteur de projet, explique Michel Cottet. Selon son origine, le salaire qu'il devra retirer de son activité est variable. L?entourage familial compte aussi de ce point de vue : s'il y a un deuxième salaire susceptible de contribuer aux charges du ménage, on peut raisonner de façon marginale sur ce que doit rapporter le commerce."
Épanouissement mais horaires à rallonge
"Si vous étiez salarié auparavant, devenir commerçant représente un changement de vie total, susceptible de vous apporter un épanouissement profond, affirme Pierre Creuzet. Mais c'est aussi synonyme d'horaires à rallonges. Le commerçant doit être à la disposition des clients à des moments où il aimerait aussi être libre, s'occuper de ses enfants et plus généralement mener une vie de famille normale."
3. Mon entourage doit-il me soutenir pour que je réussisse ?
Que l'on travaille ou non en couple, les incidences sur la vie privée sont lourdes et l'entourage doit vraiment être prêt pour l'aventure.
Équilibre du couple menacé
"C?est aussi un changement qui bouleverse l'équilibre du couple, ajoute Madjid Yahiaoui. Pour une femme, c'est encore plus déterminant, souligne-t-il : elle doit être efficace dans ses trois rôles de femme, de mère et de commerçante, et ce n'est pas toujours simple de gérer cela avec son conjoint. Il faut bien se préparer en amont pour que le projet soit celui du couple, même s'il n'y en a qu'un des deux qui y travaille. Beaucoup de porteurs de projets appréhendent mal les contraintes du commerce."
Soutien psychologique et financier
"Ce changement de vie nécessite le soutien psychologique et financier de votre entourage, insiste Béatrice N?Dong-Evouna, déléguée territoriale au sein de Hauts-de-Seine Initiative. Toute la famille doit bien être consciente que vous ne tirerez pas de revenu de votre nouvelle activité au moins pendant les six premiers mois et qu'il sera par conséquent nécessaire de piocher dans votre épargne pour faire face aux dépenses personnelles. De plus, vis-à-vis des bailleurs de fonds, réussir à mobiliser des fonds auprès de vos proches témoigne de votre force de conviction. Le soutien de l'entourage peut également se concrétiser par une aide technique, par exemple, des compétences dans les nouvelles technologies pour bâtir un site Internet à moindre coût."
Un soutien déterminant
"L?entourage est déterminant. Si c'est un homme qui ouvre son commerce, le soutien de son épouse est fondamental, souligne Joël Lopez. Elle doit être prête à supporter des horaires amples et élastiques. Sinon, la frustration apparaît dans le couple et conduit aux tensions."
4. Est-il préférable de démarrer comme salarié dans un magasin avant d'ouvrir son propre commerce ?
L?expérience facilite toujours les choses, mais peut, dans certains cas, être remplacée par une formation. Attention à ne pas se laisser enfermer trop longtemps dans le statut de salarié.
S?immerger
"Sans avoir une longue expérience, une immersion dans le quotidien du commerce que vous visez est un atout incontestable, souligne Madjid Yahiaoui. Cela permet d'observer le commerçant dans l'animation de son point de vente, la gestion des relations avec les clients. Les anciens salariés de la grande distribution ont un profil qui présente de nombreux atouts pour se mettre à son compte : ils savent vendre, gérer, commander, encadrer une équipe."
Expérience ou formation
"Il est essentiel d'avoir une expérience du commerce et de l'activité choisie, car les gens susceptibles d'apporter des fonds au projet vous interrogeront à un moment ou à un autre sur votre activité, rappelle Béatrice N?Dong-Evouna. Si vous n'avez pas d'expérience, une formation appropriée peut compenser cette lacune."
L?exemple de l'entourage
"La plupart des nouveaux commerçants d'aujourd?hui n'ont pas de première expérience personnelle, mais, en revanche, ils ont souvent des commerçants dans leur entourage, observe Stéphanie Villessot. Cela leur permet d'avoir une idée précise de ce que ça représente."
Savoir franchir le pas
"Comme dans tout projet de création, ça peut servir d'avoir fait ses bêtises chez les autres, reconnaît Joël Lopez, expert-comptable. Mais, si cela permet de s'enrichir en termes de formation et d'expérience, cela peut aussi faire perdre une dynamique. On risque de s'inscrire dans une logique de salariat et, avec l'âge, de se sédentariser, de perdre l'envie de créer? et, au final, de rester salarié trop longtemps. En revanche, si l'opportunité de vous mettre à votre compte survient alors que vous êtes employé depuis plusieurs années, il est évident que votre expérience vous sera utile !"
Tester son idée sur les marchés
"Certes, il n'est pas toujours simple ni rapide de trouver un emplacement sur un marché, surtout fixe et notamment à Paris, admet Élisabeth Vinay, responsable des études techniques professionnelles de l'Agence pour la création d'entreprise. De plus, on déplore beaucoup de dépôts de bilan parmi les commerçants ambulants, mais ça reste une voie intéressante à explorer pour tester un projet de commerce sédentaire à moindre frais."
5. Existe-t-il des formations à la gestion d'un commerce ?
Centres et associations de gestion agréés
En choisissant d'adhérer à un centre de gestion agréé pour la tenue de sa comptabilité, le créateur soumis à l'impôt sur le revenu bénéficie de plusieurs avantages fiscaux :
"abattement sur le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu de 25 % pour la fraction des bénéfices ne dépassant pas 113 900 euros ;
"déduction du salaire du conjoint le cas échéant, dans la limite de 36 fois le SMIC mensuel ;
"réduction d'impôt pour frais de comptabilité et adhésion correspondant au montant des honoraires versés dans la limite de 915 euros (réservée aux adhérents dont le chiffre d'affaires reste dans les limites de la micro-entreprise) ;
"dispense de pénalités pour erreurs ou omissions révélées spontanément (présomption de bonne foi).
Pour en savoir plus : www.fcga.fr
Outre des modules de gestion, des formations continues permettent d'acquérir tardivement les bases d'un véritable métier artisanal.
Bien se connaître
"Il faut bien s'interroger sur sa personnalité, conseille Madjid Yahiaoui ; un bilan de compétences peut s'avérer utile. Cela permet de se poser des questions auxquelles on ne pense pas toujours seul et, ensuite, de se lancer en toute connaissance de cause, en ayant mieux conscience de ses forces et de ses faiblesses par rapport au projet. Cela aide aussi à déterminer les formations nécessaires."
Formation continue
"Il existe aujourd?hui des solutions en formation continue, se réjouit Stéphanie Villessot. Les compagnies consulaires, et les CCI notamment, proposent des dispositifs adaptés aux besoins de formation du porteur de projet : stages ?cinq jours pour entreprendre?, modules spécialisés en gestion, marketing?"
Garder du temps pour les clients
Pour François Foussier, "même en ayant naturellement la fibre commerciale, c'est difficile d'être à la fois bon acheteur, bon vendeur, bon gestionnaire, bon sur le plan social si on a des employés, bon en fiscalité. On peut donc suivre des formations dans les domaines où l'on est moins à l'aise. Parce que le plus important, c'est d'avoir du temps à consacrer à sa clientèle. Outre les avantages fiscaux dont ils font bénéficier leurs adhérents, les centres de gestion proposent toute l'année des formations à des tarifs préférentiels".
6. Dois-je trouver un associé ou puis-je me lancer seul ?
Même si elle rassure, l'association est risquée. Elle doit impérativement reposer sur une complémentarité des compétences et une répartition des rôles claire.
Plutôt en famille
"Je déconseillerais plutôt de s'associer, reconnaît Joël Lopez. C?est comme dans un mariage, sur la durée, les associés n'évoluent pas souvent de la même façon. En revanche, on voit des commerces familiaux ? de père en fils ? fonctionner parfaitement dans le temps."
Attention à la dépendance technique
"L?idée sous-jacente quand on veut ouvrir son commerce, c'est en général celle de l'indépendance, rappelle Madjid Yahiaoui. Malgré tout, il est possible de travailler par exemple avec son conjoint, ou de s'associer avec un apporteur de capitaux, du moins au démarrage. En revanche, attention à la dépendance technique. Si l'expérience et l'expertise, les atouts d'une façon générale, sont détenues par votre associé, il y a danger ! Il faut toujours se poser la question de la pertinence d'une association, et rechercher votre associé en fonction de l'objectif recherché. Certaines personnalités ont besoin d'un effet miroir, mais dans tous les cas, veillez à la complémentarité des compétences. Sur les aspects de gestion, un expert pourra toujours vous aider à combler vos lacunes si vous rompez avec votre associé, mais la maîtrise technique de votre commerce reste de votre seul ressort !"
Choix professionnel
"La mésentente entre associés, qui survient souvent avec les premières rentrées d'argent, est la première cause d'échec des entreprises nouvellement créées, regrette Béatrice N?Dong-Evouna. Dans tous les cas, évitez absolument la répartition des parts à 50/50, et souvenez-vous que ça doit être un choix professionnel et non amical. L?important, c'est de déterminer qui va faire quoi. La pire des organisations est celle où tout le monde s'occupe de tout."
Complémentarité
"Un associé peut être utile pour vous apporter le capital dont vous avez besoin, mais l'association implique également un partage des décisions et des bénéfices, rappelle Stéphanie Villessot. Il faut donc être prêt à partager son ?bébé?. Et veiller aussi à ce que les compétences des deux associés soient distinctes et complémentaires, et à ce que chacun occupe une place bien déterminée dans l'affaire."
Chacun à sa place
"On se sent plus épaulé à deux, mais c'est rarement une bonne solution, constate Pierre Creuzet. Sauf dans certains commerces comme la restauration où l'amplitude horaire est telle qu'il n'y a pas le choix. Mais attention dans ce cas à occuper des postes totalement différents, et à ce que chacun apporte quelque chose à l'autre."
7. Je veux ouvrir un commerce avec mon conjoint, quelles questions dois-je me poser ?
Le commerce en couple convient très bien à certains, mais pose des questions tant sur le plan de l'entente au quotidien qu'en termes de statut.
Employeur et salarié
"Si votre conjoint travaille dans l'entreprise, il doit désormais impérativement choisir un statut (celui de ?conjoint collaborateur?, de ?conjoint salarié? ou de ?conjoint associé?)*, rappelle Stéphanie Villessot. Mais attention, il va nécessairement s'instaurer au sein du couple un lien d'employeur à salarié. Êtes-vous tous les deux prêts à l'accepter ?"
Bombe à retardement "Il faut être sûr de pouvoir se supporter tous les jours et toute la journée, insiste Madjid Yahiaoui. Et, comme pour toute autre association, il faut en valider la pertinence. Et être conscient qu'un lien hiérarchique va forcément se créer. S?installer en couple, c'est parfois une facilité, mais ça peut aussi être une bombe à retardement."
Validez les intérêts communs "Si les deux conjoints travaillent dans le commerce, les risques de mésentente sont plus importants, reconnaît Michel Cottet. Il faut s'assurer qu'il existe bien des intérêts communs et qu'il n'y a pas de divergence dans les objectifs. Souvent, quand ça se passe mal, le divorce est la phase intermédiaire entre la dégradation et l'arrêt de l'activité. Ce n'est pas le déclencheur des problèmes, mais leur conséquence."
Plus aussi répandu
"Travailler avec son conjoint, c'est pratique, admet Joël Lopez. Cela permet d'échanger sur le projet, d'être sur la même longueur d'ondes notamment au sujet des contraintes inhérentes au commerce, mais on ne s'arrête jamais tout à fait et ça peut finir par lasser. De toute façon, ce n'est plus aussi répandu que dans la génération précédente."
Statut ad hoc
"Il faut absolument se couvrir en attribuant un statut à l'un comme à l'autre. Le statut de conjoint collaborateur est devenu indispensable", conclut Pierre Creuzet.
> Faut-il avoir des compétences dans le champ d'action que l'on va développer ?
La personnalité compte plus que les compétences, mais celles-ci font la différence face à un consommateur toujours plus demandeur de services.
Gagner du temps. "Même si on assiste aujourd?hui à de nombreuses reconversions vers le commerce, on gagne un temps précieux lorsqu?on possède des compétences dans le secteur choisi, reconnaît Élisabeth Vinay. On connaît déjà les réseaux, on a des contacts professionnels, on sait quels sont les salons intéressants à fréquenter, les revues spécialisées, etc."
Gare aux hobbies. "Il est préférable d'avoir des compétences, c'est-à-dire une technicité, ce qui n'est pas la même chose qu'un hobby, précise Joël Lopez. Sinon, mieux vaut aller travailler chez quelqu?un d'autre !"
Conseils et services. "Cela va de soi, s'exclame Stéphanie Villessot. Des compétences techniques et un savoir-faire par rapport au produit font toute la différence. Aujourd?hui plus que jamais, le consommateur attend de son commerçant des conseils, des services et une maîtrise technique des produits qu'il vend."
Le sens du service avant tout. "Bien sûr, l'expérience et la compétence sont toujours utiles, mais elles sont moins déterminantes chez un commerçant que le goût du service, insiste Pierre Creuzet. Sauf dans l'artisanat où il faut être expert de son métier. Pour autant, évitez de réaliser un rêve dans un domaine où vous ne connaissez rien. Ainsi, dans la restauration, si l'employé en sait plus que le patron, ça pose problème."